François Fion, notre premier ministre, déclarait en septembre 2007 : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. Si la France tait une entreprise, un ménage, il serait en cessation de paiement. »

Une telle affirmation est très conne et sans fondement. Elle nuit gravement à l'image de la France, à son crédit auprès des investisseurs étrangers. Elle parasite tout le discours politique sensé sur le sujet des déficits.

Les titres financiers émis par l’État français sont toujours très prisés par les investisseurs du monde entier, car il est considéré comme un des emprunteurs les plus sûrs. Ce qui lui permet d'ailleurs de bénéficier de taux d'intérêt particulièrement bas.

Le terme même de faillite ne s'applique pas à un pays. La comparaison qu'établit François Fillon avec une entreprise ou un ménage n'a pas de sens. Ce qui fait la particularité d'un État, c’est sa capacité à imposer à ses citoyens le paiement d'impôts en cas de besoin, ce qu'une entreprise ne peut jamais obtenir de ses clients.

De plus, les institutions internationales jouent le rôle de prêteur en dernier ressort.

Enfin, la dette de la France est adossée à un patrimoine qui la garantit confortablement.

La dette publique n'est pas mauvaise en soi : elle peut être productive ou improductive, selon que l'endettement correspond à un investissement rentable ou à une dépense improductive.

L’Allemagne est davantage endettée que la France. L'État vient de négocier une augmentation de 8 % de la rémunération des fonctionnaires sur deux ans compte tenu de l'inflation. L'état allemand remplit son rôle d'amortisseur de la crise économique. En France, on s’apprête à faire l’inverse pour aggraver le ralentissement économique.

Par contre, lorsque le gouvernement privatise les autoroutes qui rapportaient 7,5 % par an de revenu au budget pour rembourser une dette dont les intérêts coûtaient 2,5 %, on ne peut pas appeler ça relancer l’économie. Qui paie ses dettes s'appauvrit...

La dette publique française se situe à moins de 65 % du PIB, alors que la moyenne européenne tourne autour de 69 % du PIB.

Beaucoup d’économistes battent en brèche cette nouvelle idée reçue de la pensée unique.

Pour Bernard Maris (chroniqueur économique sur France Inter)

La dette française est inférieure à la dette allemande (67,6 %), à celle de l'Italie (105 %) ou celle du Japon (157 %). Elle est du même niveau que celle des États-Unis, mais les Américains, comme les Anglais, sont beaucoup plus endettés que nous de façon privée ! Or, c’est Etat ne sont pas en faillite, à savoir ?

Et puis l'État français n'a pas que des dettes. Il détient aussi des actifs !

C'est un économiste de l'OFCE, Mathieu Plane, qui a fait ce calcul fort intéressant. L'État français possède des actions (via la Caisse des dépôts, ou encore les participations dans les sociétés publiques, EDF, AREVA) : si on enlève cet actif du passif de la France, celui-ci tombe à 38,2 % du PIB seulement en 2006, inchangé depuis 2005. Cette dette financière nette, ne bouge pas depuis 1995 alors que la dette au sens de Maastricht augmente de pratiquement 9 % sur la même période !
Ce qui veut dire que l'État est endetté en obligations, mais créancier en actions, dont la valeur a considérablement augmenté par rapport à celle des actions. L'État, la France, agit comme un véritable « hedge fund » ! Il emprunte à taux d'intérêt très faible, pour s'enrichir en actions qui montent joyeusement. L’Etat serait donc une entreprise efficace, il emprunte pour faire de l’argent, profitant d’un effet de levier.
Une note du Conseil d'analyse stratégique démontre la même chose pour les États-Unis. Ces derniers sont très endettés, mais comme ils placent à l'étranger (en Chine, notamment), les revenus de leurs actions compensent largement les intérêts de leur dette. En termes de flux de capitaux, ils sont excédentaires. Le chiffre d'affaires de leurs filiales étrangères est passé de 20 % à 35 % du PIB depuis vingt ans. En s'endettant, les États-Unis s'enrichissent.
L'État possède des terrains, des bâtiments, etc. Si l'on déduit les actifs physiques de la dette, l'État est créditeur de 37,8 % du PIB.
Moralité, le bébé français ne naît pas avec une dette de 18700 euros sur les épaules comme le disent les Cassandre, mais un crédit de 11000 euros.

Au Royaume-Uni, comme aux États-Unis, en Espagne, ce sont les ménages qui sont endettés. La dette moyenne des ménages représentait en 2007, tout compris, y compris le crédit hypothécaire, 108 % du revenu de ces mêmes ménages, contre 85 % il y a cinq ans. La Grande-Bretagne vit à crédit. L'endettement personnel des ménages britanniques représente les deux tiers de la dette des ménages de l'Union européenne.

La différence entre dette privée et dette publique est énorme. L'État (la dette publique) n'a pas le même horizon de vie qu'un ménage ou qu'un individu. Les gouvernements passent, les ménages passent, mais l'administration reste, et avec elle, le fisc, qui rembourse la dette. C'est pourquoi la dette publique est, à montant égal, moins dangereux que la dette privée.

Pour Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, économiste keynésien, homme de gauche, invité de « Parlons net », le club de la presse des sites d'informations, animés par David Abiker (France Info).
Il dénonce l’hypocrisie de ceux qui « 
s'alarment du dérapage des déficits et appellent à serrer les boulons pour les contenir. »
« 
Il est normal que lorsque l'économie ralentit le déficit augmente, ce n'est pas du tout quelque chose d'extraordinaire, au contraire. Cela signifie que quand ça va mal, l'État prélève moins sur le secteur privé. »
Le ralentissement économique érode les recettes fiscales (liées surtout à la TVA). Tenter de compenser cette érosion par une augmentation des impôts relèverait de la « 
double punition », juge l'économiste (vous allez mal ? On vous impose plus !)
Jean-Paul Fitoussi est l'apôtre d'une « 
politique de croissance européenne ». Il regrette que l'économie soit perçue comme la météo : on ne devrait pas se borner à constater « s'il fait beau ou s'il pleut ». Les politiques qu'il propose passent par l'investissement public, et donc par une augmentation, au moins à court terme, des déficits publics. Il faut en passer par là pour retrouver un rythme de croissance plus élevé, et réduire plus facilement le déficit... dans un second temps.
Un tel raisonnement est critiqué par bien d'autres économistes, qui considèrent que l'on est déjà en train de léguer une dette publique insupportable aux générations suivantes. « 
Il vaut mieux un État endetté que des ménages endettés », rétorque Fitoussi, qui ajoute « Nos enfants héritent aussi des titres de la dette, alors arrêtons avec ces considérations de fausse morale. »
« 
On doit se demander si cela vaut la peine de réduire le déficit de l'État si, ce faisant, on augmente celui des ménages. Il vaut mieux un état endetté que des ménages endettés. Pourquoi ? C'est le B.A.BA de la théorie économique : les emprunts d'État se font à un taux beaucoup plus bas que les emprunts des ménages. »

En 2005, les Français détenaient 4140 milliards d'euros d'actifs à l'étranger, alors que les étrangers possédaient 3980 milliards d'euros d'actifs français selon les chiffres établis par la Banque de France. Loin d’être endettés vis-à-vis de l'extérieur, les Français détiennent au contraire à l'étranger 164 milliards (9,7 % du PIB) de plus que ce qu'ils doivent aux acteurs étrangers.